vendredi 6 février 2015

LE SEXE SANS AMOUR ...


No strings attached
Le sexe, c'est mieux sans amour

Article paru dans le numéro 19 de Vanity Fair France (janvier 2015).

L'amour physique est-il vraiment sans issue ? Face au retour des moralisateurs de tout bord pour qui la sexualité est indissociable de l'amour, le philosophe Ruwen Ogien affirme que la chose est encore meilleure quand les sentiments ne s'en mêlent. Explication de sexe.

Parler d’amour et disséquer philosophiquement l’amour, ce n’est évidemment pas la même chose. Parler d’amour peut servir à le faire naître, à le construire, car, comme le faisait remarquer La Rochefoucauld : « Il y a des gens qui n’auraient jamais été amoureux s’ils n’avaient jamais entendu parler de l’amour. » Disséquer philosophiquement l’amour peut, au contraire, le déconstruire, dévoiler ses aspects illusoires. Quelle est la nature de l’illusion amoureuse dont nous ont fait prendre conscience les moralistes, les naturalistes et les féministes ? Elle s’exprime à travers quelques idées de base : l’amour est plus important que tout ; l’être aimé est irremplaçable ; on peut aimer sans raison ; l’amour est au-delà du bien et du mal ; l’amour ne se commande pas ; l’amour qui ne dure pas n’est pas un amour véritable.

Pour les moralistes les plus cyniques, ce sont des idées fausses, des produits de la vanité humaine, laquelle, hélas, n’est pas près de disparaître. Pour les naturalistes, ces illusions amoureuses sont des ruses de la nature qui favorisent le désir de se reproduire, de coopérer quelques années au moins pour protéger les tout jeunes enfants. En attendant l’utérus artificiel et les crèches pour tous dès la naissance, nous continuerons d’en être victimes. Pour les féministes, les illusions amoureuses sont les effets dans nos esprits d’une idéologie (le prince charmant qui va nous sauver, le bonheur de lui plaire et de le servir, etc.) qui contribue à l’assujettissement de la femme.

Ces trois explications sont plausibles. Le scepticisme qui en résulte est parfaitement légitime. La chanson populaire sait très bien l’exprimer. Je pense en particulier aux paroles de ­Pipeau, interprétées par Brigitte Fontaine : « L’amour c’est du ­pipeau / c’est bon pour les gogos. » Ou encore cette version hilarante de Carmen, réécrite par ­Stromae : « L’amour est comme l’oiseau de Twitter / On est bleu de lui seulement pour 48 heures, (...) Prends garde à toi / Et à tous ceux qui vous like. » Depuis quelque temps, ce scepticisme est complètement passé de mode chez les philosophes. D’Alain Badiou (Éloge de l’amour, 2009) à Luc Ferry (La Révolution de l’amour, 2010) en passant par Alain Finkielkraut (Et si l’amour durait, 2011), ils sont nombreux à avoir retrouvé les vertus de l’amour et se concurrencent pour le glorifier. Pourquoi ?

Ce que ces philosophes veulent exprimer, à travers l’éloge de l’amour, c’est, je crois, leur rejet de l’individualisme moderne. Cette forme d’individualisme aurait imposé le règne du consommateur compulsif, égoïste, dépolitisé, inconstant, « zappeur », affairé à la satisfaction de ses désirs les plus immédiats, les plus bassement matériels, dans la visée exclusive du plus grand plaisir personnel. Elle aurait contribué à la destruction du lien social, à l’anéantissement du souci pour autrui, à l’affaiblissement général de la volonté de vivre ensemble et à la disparition progressive du respect pour l’art et la pensée dans leurs formes les plus exigeantes.

Ce diagnostic est partagé par les antimodernes les plus grincheux, par les nostalgiques d’un idéal social où le collectif aurait la priorité sur l’individu et son égoïsme supposé, et par les critiques les plus virulents du « règne de la marchandise ». Pour eux, cet état (supposé) du monde est déplorable et doit être corrigé d’urgence. Il faut retrouver ce qui peut faire « lien » avec les autres, revaloriser les mouvements de l’âme « désintéressés », renforcer ce qui pourrait remettre dans le cœur des citoyens le goût des belles choses, de la constance, de la durée, de la fidélité, de la communauté. De tous ces points de vue, l’amour semble être un remède idéal.

Kant et les citrons pressés
Ceux qui partagent ces idées rejoignent un autre courant de la chanson populaire, aussi vintage qu’eux, celui d’Édith Piaf. Dans La Goualante du pauvre Jean, elle veut nous persuader que « Sans amour, on n’est rien du tout. » Ce discours édifiant n’est pas indéfendable mais il a pour moi deux défauts principaux (et beaucoup d’autres secondaires) :

1. L’éloge philosophique de l’amour voudrait nous faire croire qu’il n’existe qu’une seule façon vraie de le concevoir. La littérature s’est souvent moquée de cette idée. Dans son recueil de nouvelles Parlez-moi d’amour, l’écrivain américain Raymond Carver met en scène, assez ironiquement, une femme subissant la violence de l’homme qu’elle aime et qui l’aime en retour, d’après ce qu’elle dit. À un ami scandalisé qui refuse de voir de l’amour dans cette relation sado-masochiste sur les bords, elle répond : « Dis ce que tu veux, moi je sais que c’est de l’amour. » De toute façon, l’ambition de trouver une définition claire de l’amour qui pourrait faire l’unanimité est vaine à mon avis. Certains philosophes affirment qu’aimer, c’est vouloir le bien de l’aimé, ou chercher à tout prix sa présence. Mais le dramaturge britannique Somerset Maugham a cruellement montré dans ­Servitude ­humaine qu’on pouvait aimer quelqu’un sans vouloir son bien (par jalousie, possessivité, etc.) ou aimer quelqu’un sans chercher sa présence (qu’on peut juger glauque, ennuyeuse ou étouffante).

2. L’éloge philosophique de l’amour sert aussi à critiquer la liberté sexuelle. C’est une vieille idée qui se trouvait déjà chez Platon et que Kant a modifiée. Pour Kant, toutes les relations sexuelles hors mariage sont jugées animales, inhumaines, dégradantes. Pourquoi ? Quelles que soient les conditions dans lesquelles elle est pratiquée, la sexualité transformerait les partenaires en objets, en simples moyens de satisfaire des appétits, « en citrons qu’on jette après les avoir pressés » ou en « rôti de porc qu’on mange pour apaiser sa faim » selon les images de Kant (plus compétent en cuisine qu’en sexe, semble-t-il). C’est pourquoi elle porterait atteinte à la « dignité » de la personne humaine.

L’amour comme obstacle
Kant propose cependant une issue à sa façon de voir les choses. Certes, le sexe est immoral par nature. Mais il peut devenir moral s’il est encadré par une union légale dans le mariage monogame indissoluble en vue de la procréation, c’est-à-dire dans un contrat légal qui donne un accès mutuel au corps de l’autre sans aucune asymétrie ou limitation de durée. Cette idée puritaine s’est répandue puis profondément transformée. Il en existe désormais une version psychologique non ­moraliste.

Que dit-elle ? Il faut préférer le sexe avec amour au sexe pour le sexe, le sexe sans amour, car l’amour rend les relations sexuelles plus heureuses, plus gratifiantes, plus satisfaisantes psychologiquement et physiquement. C’est pourquoi, au-delà de tout moralisme, le sexe avec amour est bon et le sexe sans amour mauvais. Mais cette ­hypothèse manque de soutien empirique. Il existe en effet des raisons de penser que l’amour est un obstacle plus qu’une contribution à une relation sexuelle réussie. Quand l’amour s’en mêle, le désir sexuel perdrait de son évidence et de sa simplicité. L’amour pourrait même contribuer à inhiber le désir sexuel.

Les humoristes le font souvent remarquer : le meilleur sexe, c’est le sexe pour le sexe, le sexe sans amour. Woody Allen est un spécialiste d’aphorismes sur ce thème. Certains font désormais partie de la sagesse populaire : « Le sexe sans amour est une ­expérience vide. Oui, mais parmi les expériences vides, c’est l’une des meilleures. » Ce thème est récurrent dans les films de Judd Apatow, qui cultive, dans les affaires d’amour et de sexe, un mauvais goût hilarant (bien rendu dans les titres français : 40 ans, toujours puceau ; En cloque, mode d’emploi, etc.). Lena Dunham filme dans le même esprit cru et drolatique. Dans sa série Girls, elle dépeint sans fausse pudeur les relations entre Hannah (qu’elle incarne) et Adam, une sorte d’étalon particulièrement doué (et doté !). L’amour ne semble vraiment pas être leur préoccupation principale (dans la première saison au moins), ce qui ne les empêche pas d’avoir des relations sexuelles fantastiques. En réalité, l’argument psychologique disant que le sexe avec amour est plus gratifiant que le sexe sans amour n’est pas vraiment fondé. Il est donc nécessaire d’envisager une autre hypothèse pour expliquer l’hégémonie de l’idée que les relations sexuelles sans amour sont dégradantes ou défectueuses. Celle que je propose est politique.

les « sexualités négociées »
L’éloge de l’amour est devenu une expression de la pensée conservatrice qui sévit désormais à droite comme à gauche. La vision conservatrice de l’amour nous empêche de penser qu’il est parfaitement concevable d’aimer en dehors de tout asservissement à l’idée du couple fidèle, obstiné, durable, éternel, etc. Elle nous interdit d’envisager la possibilité que l’amour pourrait prendre des formes peut-être plus éphémères mais aussi plus collectives, plus légères, moins mélodramatiques qu’aujourd’hui. La vision conservatrice oublie que l’idée d’amour a une histoire – à la manière de l’amour romantique qui fut, en son temps, une authentique invention – et que cette histoire a pris et prendra des formes nouvelles et inattendues.

Si nous adoptons cette vision ouverte, rien ne nous interdira de considérer comme des conceptions de l’amour parfaitement légitimes le dépassement complet du couple dans le polyamour (cette pratique qui part du principe qu’on peut aimer plusieurs personnes en même temps avec la même intensité), la remise en cause de la domination de l’amour hétérosexuel par la quête ­bisexuelle, le no sex ou le célibat assumé, la généralisation des contrats sexuels (relations sado­masochistes, prostitution, etc.), ainsi que le développement de nouveaux modes d’accès au « marché sexuel » via les sites de rencontre sur Internet.


Les sociologues appellent ces nouvelles pratiques des « sexualités négociées ». On peut les défendre comme des formes d’amour au même titre que l’amour entre parents et enfants. Cet « amour modèle » continue d’être chanté par les plus contemporains. On avait Charles ­Aznavour et sa Mamma. On a désormais la version rap de Sexion d’Assaut dans J’ai pas les loves : « Je voudrais sortir la daronne de son HLM pourrave / Plus voir la petite sœur charbonner chez H & M : courage / Mettre à l’abri mon entourage juste le temps de l’orage. »

Finalement, la question qui se pose, à travers ces débats sans fin, est celle de savoir si l’idée de l’amour peut être désacralisée, ­débarrassée de l’exigence d’éternité, devenir physique, éphémère, démocratique. Je ne vois pas pourquoi ce serait impossible. C’est exactement ce qui arrivé à l’idée du bonheur. On ne pense plus aujourd’hui qu’il est irréductible au plaisir, que seule une élite de sages peut en jouir et qu’il doit viser l’éternité pour être authentique.

lundi 2 février 2015

SCRIPTS SEXUELS ...

John H. Gagnon est l'un des maîtres actuels de la recherche sur la sexualité. On lui doit notamment d'avoir, bien avant Michel Foucault, démontré que la sexualité est une construction sociale : c'est la célèbre théorie des scripts de la sexualité qui, cependant, reste encore peu connue en France.

Sommes nous libre dans nos fantasmes et nos sexualités ? NON : 

Prenez une superbe femme, remplie de désir

Un hétéro, une lesbienne, ne sauraient que se réjouir de passer un moment en sa compagnie… Et pourtant. Si une femme, inconnue, se présente nue en frappant à votre porte, si elle réclame du sexe, il y a de fortes chances que vous appeliez la police. Pourquoi ?

Il existe depuis les années 70 une théorie relativement peu connue du grand public en France : la théorie des scripts sexuels. Elle repose sur l’idée que la sexualité ne relève pas d’un besoin physique «naturel», ni «instinctif», inscrit en nous à la naissance. Elaborée par deux sociologues américains – John Gagnon et William Simon – cette théorie repose sur un constat simple : il y a plein de situations qui désamorcent la sexualité. En d’autres termes : c’est la situation qui excite (ou pas). Un exemple ? «Prenez un homme ordinaire de la classe moyenne […] et envoyez-le en voyage d’affaires, ou pour raisons professionnelles, dans un grand hôtel relativement anonyme. En retournant à l’hôtel le soir, il ouvre sa porte et là, dans la pénombre du couloir, il distingue une femme extrêmement séduisante et presque nue. On peut tout à fait penser que l’excitation sexuelle ne va pas être sa première réaction. Une petite minorité d’hommes – ceux qui sont un peu plus paranoïaques que les autres – vont tout d’abord chercher à identifier les signes de la présence de l’avocat de leur femme ou d’un détective privé. La majorité d’entre eux optera tout simplement pour une retraite embarrassée et précipitée. Même de retour dans le couloir et voulant vérifier le numéro de sa chambre, notre homme n’aura pas de réaction sexuelle. Il retournera plus probablement à la réception pour élucider le problème et utilisera le téléphone, qui est affectivement neutre. Dans cette situation, il manque un script efficace qui autoriserait cet homme à définir cette femme comme acteur érotique potentiel (le simple fait qu’elle soit séduisante ou presque nue n’est pas suffisant en soi) et la situation comme potentiellement sexuelle».

Il ne suffit pas d’avoir des organes génitaux pour avoir envie

Ce texte est de John Gagnon. On lui doit d’avoir, bien avant Michel Foucault, remis en question l’idée selon laquelle la sexualité relèverait d’un besoin physique, voire biologique. Cette idée, héritée de Freud et Kinsey, établit que nos désirs sont inscrits en nous de naissance et nous programment pour assurer la survie de l’espèce. Gagnon s’étonne : si c’était vrai, nous devrions être capables de bander ou de mouiller pour n’importe quel partenaire sexuel potentiel. Pourquoi n’est-ce pas le cas ? L’explication la plus courante veut que l’humain soit une boule de pulsions à l’état naturel mais qu’à l’état civilisé, il ait appris à se contrôler. En d’autres termes : si la société existe c’est pour canaliser notre instinct sexuel. De nos jours encore, cette explication est défendue aussi bien par le courant psychanalytique hérité de Freud que par le courant behavioriste hérité de Kinsey. Ces deux courants partagent l’image prédominante d’un «instinct sexuel considéré comme une exigence biologique fondamentale qui s’exprime de manière autonome et qui doit être contrôlé par la matrice culturelle et sociale». 

Cette vision de la sexualité ne colle pas avec les faits, remarque Gagnon. Dans la réalité, l’excitation est psychique, non pas physiologique. Faire l’amour, ce n’est pas «comme si l’on frottait deux bâtons pour faire du feu.» Il ne suffit de produire un peu de chaleur corporelle pour que l’orgasme se produise. Dans les faits, énormément d’actes en apparence érotiques ne le sont pas : «la palpation des seins dans le dépistage du cancer, l’examen gynécologique, l’insertion d’un tampon dans le vagin, le bouche-à-bouche lors d’une opération de secourisme.» Lorsqu’un homme exhibe son pénis en surgissant d’une porte cochère, vous avez peur, vous n’êtes pas excité(e)s. Dans les faits, un indien des plaines n’est pas excité par les mêmes choses qu’un pèlerin huguenot. Un Japonais n’est pas excité par les mêmes choses qu’un Africain. Il ne suffit pas d’avoir des organes génitaux pour avoir envie. Ni d’en voir, ni d’en toucher, ni de se faire toucher. Pourquoi ? Parce que, pour devenir sexuelle, une situation doit correspondre à ce que Gagnon et Simon appellent un «script», c’est-à-dire un scénario conforme à ce que vous avez appris à considérer comme excitant. Il faut aussi que votre partenaire partage cette vision des choses, d’ailleurs. Ceux et celles qui fantasment sur le fait d’être une «salope», trouvent rarement excitant d’être au lit avec quelqu’un qui les méprise et les insulte au premier degré.
Pour être sexuelle, une situation doit correspondre à quelque chose que vous avez appris à considérer comme sexuelle, continue Gagnon. Par exemple : si vous avez appris que l’anus d’un homme (un «vrai») est intouchable, il y a peu de chances qu’un doigt dans le cul vous excite. Mais si vous avez appris qu’il y a un point G dans l’anus, et pour peu que vous ayez fait l’expérience de cette caresse, vous serez très excité qu’on vous la propose. Les scripts se construisent d’ailleurs toujours à plusieurs niveaux. Au niveau social, familial, il s’agit de scénarios qu’on vous apprend à considérer comme l’ordre des choses : «Quand tu auras 13-15 ans, tu tomberas peut-être amoureuse, vous prévient votre mère. A ce moment-là, le garçon voudra t’embrasser…». Le script social c’est l’ensemble des actes prescrits ou interdits que les enfants, en grandissant, apprennent à interpréter comme des choses excitantes : on leur dit que le baiser doit se faire avec la langue (ce qui, a priori, est plutôt dégoûtant), qu’il faut d’abord un rendez-vous avant le passage à l’acte et d’abord des préliminaires avant la pénétration… Dans la société contemporaine, un certain nombre d’attitudes, de postures, de conduites sont présentées comme ayant une valeur sexuelle et c’est pourquoi, afin de se rendre excitant(e)s, les femmes portent des talons aiguilles et les hommes des symboles pouvoir qui, dans d’autres cultures, sont regardés avec étonnement… Autres cultures dans lesquelles prolifèrent des signaux sexuels que nous sommes incapables de «voir», à moins d’être initiés.

Le script, le scénario il faut le construire

Mais les scripts ne sont pas que sociaux. Ils se construisent aussi au niveau individuel. Chaque personne apprend à se construire avec et contre la norme ambiante, par confrontation de ses scénarios personnels avec ceux que sa communauté d’appartenance lui prescrit et ceux que ses partenaires veulent lui faire partager. Chaque rencontre offre l’occasion de découvrir des scripts différents, avec lesquels «arranger» les siens. «On observe une lutte permanente entre les groupes et les individus pour faire valoir leurs propres scénarios», raconte Gagnon, qui analyse l’évolution des sociétés comme une forme de lutte permanente entre ce que le système dominant (la famille, l’école, la religion, la culture, la loi, l’armée, les entreprises, etc.), désigne comme «bonne sexualité» et ce que nous trouvons, nous personnellement, excitant. Toute la dynamique sociale s’enroule autour de cette lutte permanente, grâce à laquelle on se construit, ajoute Gagnon qui définit la sexualité comme le moteur de notre évolution personnelle et collective. Avec lui, le désir n’est plus cette pulsion bestiale contre laquelle nous devons nous battre, mais au contraire cette graine que la civilisation place en nous afin de nous aider à devenir plus adulte, plus autonome, plus apte à jouir de la vie et à donner du sens à nos existences. Avec la théorie des scripts (1), «plus que l’expression culturellement censurée d’un instinct, le désir apparaît comme le mouvement vers un possible».

Les scripts de la sexualité. Essais sur les origines culturelles du désir, de John Gagnon. Traduction : Marie-Hélène Bourcier. Préface d’Alain Giami. Editions Payot.
A lire : «Les constructions sociales de la sexualité», de Michel Bozon et Henri Leridon. In: Population, 48e année, n°5, 1993 pp. 1173-1195.
«Présentation de l’article de John Gagnon», de Michel Bozon et Alain Giami. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 128, juin 1999. Sur la Sexualité. pp. 68-72.
(1) La formule finale est extraite du texte co-signé par Bozon et Giami.