mardi 18 mars 2014

LE VAGIN ? UN PENIS INVERSÉ ! HISTORIQUE 2

Jusqu’au 18e siècle, la femme n’existe pas. On la considère comme un homme, à une différence près : chez elle le sexe est resté à l’intérieur. C’est d’ailleurs un sexe mâle, mais inversé. Le vagin ? Un pénis à l'envers. 

Dans une étude intitulée L’orgasme au 18e siècle : libération ou asservissement ?, la chercheuse Lydia Vazquez raconte comment la découverte des ovaires a tout bouleversé… pas forcément pour le meilleur.
Ainsi commence le billet d’Agnès Giard dans son excellent blog Les 400 culs en suivant le fil de ce livre, récent dans sa version française.
En effet, depuis l’Antiquité, Aristote, Galien et Hippocrate pensaient, à quelques variantes près, que le vagin était un pénis resté à l’intérieur du ventre de la femme, et incroyablement que ce pénis était creux et pénétrable.
Thomas laqueur, dans La fabrique du sexe (1992 en Français), est le premier a décrypté cet étrange  phénomène autour de la représentation des sexes. Il pense qu’une telle représentation provient de l’androcentrisme : l’homme est la seule vraie référence, la femme ne peut être qu’une variante.
Dans la Bible, quelques milliers d’années auparavant, dans la Genèse, Dieu avait créé l’homme en premier et la femme n’était qu’un produit dérivé ...
Etonnamment, cette représentation androcentrique de la sexuation va générer un autre paradoxe : si la femme est une sorte d’homme, elle émet un sperme ! Galien pense que la procréation nécessite la rencontre du sperme de l’homme et de la femme, que ce mélange des spermes coagule et se transforme en embryon. Puisque l’homme émet son sperme lors de l’orgasme (le mot n’existe pas encore) il faut donc que la femme ait un orgasme pour pouvoir engendrer.
A Rome, la pensée de Galien entrait en conflit avec une autre représentation de la sexualité : l’homme devait être viril, actif dans la sexualité. Dans son livre La fabuleuse histoire du clitoris (2013) Jean-Claude Piquard  écrit : le mot «fellation» n’existait pas chez les Romains, bien que les rapports bucco-génitaux fussent courants, consentis par les femmes de même caste ou imposés aux hommes et aux femmes des castes inférieures. En effet, le terme «fellation» impliquant que la bouche soit active sur le membre viril, il induit une inadmissible passivité de l’organe mâle. Ils utilisaient le terme «irrumation» (irrumare) où seul le phallus (fascinus) est actif.
Difficile de savoir si les romaines avaient réellement droit à l’orgasme, prises entre la virilité active de leur homme et leur devoir de passivité. A moins que le désir d’enfant de l’homme (bien entendu) ne le rendre alors attentif à l’orgasme féminin ...
Que l’Antiquité ait de telles représentations, on peut le comprendre, c’était les balbutiements de la science. Que cette croyance perdure au Moyen-âge est encore possible. Par contre, au début de la Renaissance, la médecine aborde l’anatomie avec des moyens qui préfigure l’anatomie moderne, le papier permettant de transmettre les connaissances. Jean-Claude Piquard écrit :  en 1559, à Padoue, près de Venise, Mateo Renaldo Colombo avait exploré non pas les océans, comme son homonyme un siècle plus tôt, mais les nymphes de la vulve et y avait découvert… le clitoris, y compris dans son long parcours interne.
Mais incroyablement, la croyance des deux semences va durer jusqu’au 18ème siècle. Pourtant, William Harvey, célèbre médecin anglais qui découvrit le principe de la circulation sanguine, écrit en 1651, en s’appuyant sur la reproduction des ovipares : omnia ex ovo (tout sort de l’œuf)! Il fait l’hypothèse qu’il en va de même pour les mammifères donc pour l’Homme (J-C P)
En 1672, De Graaf a été le grand défenseur de la thèse ovuliste. Mais la pensée de Galien et d’Hippocrate reste très présente et pendant près de 200 ans, les deux thèses s’affrontent dans les livres et les colloques médicaux.
Jusqu’à la fin du 19ème siècle, l’orgasme de la femme est toujours considéré comme facteur de fertilité. L’Eglise conseille l’orgasme clitoridien dans le lit conjugal, à des fins natalistes (J-C P)
A la fin du 19 siècle, avec les progrès du microscope, la thèse ovuliste gagne. Dès lors, l’orgasme féminin n’a plus aucun rôle dans la fertilité. Et comme le mouvement nataliste est devenu très fort, le plaisir féminin et surtout le clitoris sont considérés comme inutiles, voire nuisibles à la fertilité.
Après 400 de gloire, le clitoris descend en enfer. Et c’est dans les années 1960 que l’obscurantisme clitoridien sera le plus fort !

Notre histoire sexuelle est vraiment très étonnante !

lundi 3 mars 2014

HISTORIQUE DU CLITORIS

Le clitoris, on n'y connaît rien : d'où vient cet obscurantisme sexuel ?

Clitoris - 1836 Flourens & Deschamp

La connaissance de la sexualité en général et surtout de la sexualité féminine accuse beaucoup de retard par rapport au reste du corps humain. Le phénomène des femmes-fontaines n’est par exemple toujours pas scientifiquement élucidé – c’est scandaleux ! La connaissance du clitoris, quant à elle, est très limitée.
Je pensais qu’il s’agissait d’un manque d’information. Mais je me trompais ! C’est un véritable obscurantisme. Cette connaissance, on l’a perdue. Or, au fur et à mesure que le clitoris a reculé (en disparaissant par exemple de la littérature médicale), les droits des femmes ont fait de même. En 1925, les universités américaines pouvaient se targuer d’avoir atteint une quasi-parité. En 1960, il n’y avait plus que 25% de femmes.
Le clitoris, un inconnu pour 1 collégienne sur 2
Dès l’Antiquité, le clitoris a été reconnu comme l’organe essentiel du plaisir féminin. Au XVIe siècle, les planches d’anatomie décrivaient parfaitement cet organe, y compris son parcours interne. Quant aux textes sur la sexualité du XVIIe, y compris littéraire (cf. "Le rideau levé", de Mirabeau), ils démontraient une grande connaissance de la sexualité féminin et de l’orgasme féminin.
Aujourd’hui, seules 50% des collégiennes de 13-14 ans connaissent l’existence du clitoris, et 16% sa fonction érogène. Au XXe siècle, les femmes, parce que la société a rendu leur sexe sale, sont 80% à ne pas trouver leur clitoris, alors que, de leur côté, tous les hommes ont toujours trouvé leur sexe et ont su se masturber. Le clitoris est pourtant à portée de main.
C’est au milieu du XVIIIe siècle qu’a démarré un obscurantisme sexuel qui allait trouver son apogée dans les années 1960. En 1750, en effet, la masturbation est prohibée. En Allemagne et dans les pays protestants, cette interdiction violente se double d’une répression.
En France, le clitoris pour un usage solitaire n’est pas autorisé. Mais il reste recommandé, y compris par les Églises, au sein du couple. On lui attribuait alors un rôle dans la procréation et la fertilité. L’idée, depuis Hippocrate, c’était que la femme devait avoir un orgasme pour être féconde.
Freud, exciseur psychique
Puis, vers 1880, les scientifiques, après avoir longuement débattu, arrivent à un accord : le clitoris n’a aucun rôle dans le processus de reproduction. À l’origine de ce Big Brother anti-clitoridien, la politique nataliste des États : toutes les pratiques non reproductives devaient être éliminées, comme la masturbation réciproque en couple, qui était utilisée comme un moyen de contraception.
En Allemagne, les jeunes femmes considérées comme des masturbatrices récalcitrantes étaient excisées (20% des opérations avaient une issue fatale). Et comme l’organe était bien connu, on extirpait tout le clitoris, pas seulement le bout charnu.
Ensuite, Freud a joué le rôle d’exciseur psychique. La femme adulte devait délaisser le clitoris et investir le vagin. Il a été le premier à accoler les termes orgasme et vaginal. Et jeter ainsi dans le Danube 400 ans de savoir médical.
Résultat, la sexualité s’est réduite à la reproduction, ou tout du moins à la seule pénétration. À tel point qu’en 1966 la chanson de Gainsbourg "Les Sucettes à l’anis", qui décrit implicitement une fellation, n’a été comprise que par quelques initiés. La censure qui existait à cette époque n’y a vu que du feu, car les paroles n’évoquent pas une pratique pénétrative.
Blocage médical
Aujourd’hui, le clitoris est revenu sur la place publique. La société civile en parle, les médias aussi, notamment les magazines féminins. Le film "Le clitoris, ce cher inconnu" a permis de vulgariser les savoirs autour de cet organe érogène.
Mais dans le dernier congrès de sexologie, les communications sont très centrées sur la pénétration. J’ai même entendu que la sexualité d’un couple s’arrêtait en cas de problèmes érectiles de l’homme. Le clitoris, on n’en parle quasiment pas.
Lorsqu’Odile Buisson a commencé à travailler sur l’anatomie du clitoris in vivo par le biais d’échographies, les portes de la faculté de médecine se sont fermées pour elle. Et, début 2011, quand son livre qui portait uniquement sur le clitoris est paru, le titre "Qui a peur du point G" a été préféré à "Qui a peur du clitoris ?".
Mon livre "La fabuleuse histoire du clitoris", 1ère édition en mai 2012, est la preuve que les choses évoluent. Le clitoris retrouve une visibilité dans la société civile, mais perdure un blocage au niveau médical.
Pourquoi dans un séminaire de sexologie, les 350 femmes sur les 600 participants ne montent-elles pas au créneau pour parler d’autre chose que de la pénétration ?
Propos recueillis par Daphnée Leportois.

Un autre interview  de Valérie Marco du 24 novembre 2013 pour Direct Matin Montpellier